vendredi 22 février 2008

l'absence

Il fut un temps: ou j'étais organisée. J'écrivais ma note et je visitais mes amis-blogs, consciencieusement, les uns après les autres.

Je ne peux plus: je suis un peu fatiguée, déglinguée, rêveuse. Je n'ai plus envie de faire les choses comme d'habitude.

Mon petit-fils: sa naissance m'a bouleversée. Je ne m'attendais pas à ce que cet évènement prenne une telle importance dans ma vie. Et pourtant j'ai déjà une petite-fille.

Ma petite-fille: elle se balance comme une gondole vénitienne, en avant , en arrière. Elle gazouille pendant des heures. Son regard est perçant et enveloppant - étonnant pour un bébé de 6 mois.

Mes filles: nous sommes assises toutes les trois dans la chambre du nouveau bébé. Chacune de mes enfants a un enfant sous le bras. Et puis "clic" une photo s'enregistre dans ma tête ... Est-ce la photo du bonheur, la photo de l'irrémédiable, du futur? La photo de ma réalité ce jour-la, le lendemain d'une petite tempête de neige à Jerusalem? Oui , c'est ma vie. Je suis troublée. Je pense à ma mère.

Ma mère: coupée, disloquée, arrachée, démembrée, écrasée, paralysée. Ma mère absente de ma maternité. Ma mère d'une présence lourde sur mon épaule, ma mère qui m'aimait pourtant. Qui m'aimait.

Dans l'orage: viennent tous les souvenirs. Je suis bien ingrate. Ma mère n'avait pas choisi sa paralysie ni sa dépendance. Ma mère n'avait pas choisi son impuissance et son absence. Jour noir frontière d'août et septembre ou je n'avais pas encore 20 ans et ou elle est partie de moi en un instant, en un effondrement. Je lui pardonne d'avoir brisé mon coeur.

Que dis-je: Je lui pardonne de l'avoir pris, de l'avoir jeté à la mer, si loin, si loin. Et moi aussi je me pardonne, de l'avoir laissé ou il était, exilé, pour avoir moins mal et pour survivre sans elle.

L'absence: le silence de ceux qu'on a aimés, de ceux qu'on a perdus. A chaque tournant de ma vie, à chaque virage, le silence revient me saluer comme si j'étais la reine d'Angleterre en personne, à coups de courbettes, révérences et ronds de bras. Puis sans broncher, il recule, il distribue quelques sourires gênés et il s'en va.

Et moi: je reste moins seule et plus forte à chaque fois et mon royaume avec moi.

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

mercredi 13 février 2008

La boucle est bouclée

Vous vous souvenez de mon histoire "Tai Chi, la chienne blanche"? Elle se terminait ainsi:

Rani et Sandra ne sont pas des personnages de conte de fées ; ils sont bien réels. A Jerusalem, au creux de l'hiver 2008, ils attendent sous peu la naissance de leur premier enfant.

Derniers développements: Rani et Sandra ont eu un fils il y a quelques jours. Ainsi, 76 ans après les presque fiançailles de Myriam Blumfeld et Isaac Silberstein, la boucle est finalement bouclée.

PS: une coïncidence sans doute ... le jour ou le bébé de Rani et Sandra est né, je suis devenue grand-mère pour la seconde fois.

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

dimanche 3 février 2008

Trente

Il y a trente ans: je me suis fiancée. Mes parents ne connaissaient pas mon futur mari. Ils ne l'avaient jamais rencontré. Je n'avais pas parlé de lui dans mes lettres. Un jour j'ai pris le téléphone et j'ai dit à mon père "je me suis fiancée. Il est américain".

Il est américain: on ne peut pas dire que mon père ait été surpris de cette nouvelle. Un jour, j'avais dit à ma famille "quand je serai grande je me marierai avec un américain". Pourquoi avais-je dit ça? Tout simplement parce qu'à cette époque, quand j'avais huit-neuf ans, je savais déjà que je n'étais heureuse nulle part, nulle part sauf à la base militaire de Touvent, chez les américains.

La base de Touvent
: à la base militaire de l'OTAN, je partageais les bancs de l'école avec des petits américains. Je ne sais pas pourquoi, mais je les aimais. Je les trouvais chaleureux, je les trouvais gais. J'étais timide, effrayée. J'avais des jours lumineux et j'avais des jours sombres qui s'entremêlaient les uns dans les autres. Ma compagne de classe, "my partner"qui m'avait été designée s'appelait Vicky.

Vicky: J'ai retrouvé Vicky il y a deux ou trois ans. Elle habite en Californie. Cela m'a fait bizarre. Nous nous souvenions très bien l'une de l'autre. Elle m'a dit "tu parlais l'anglais couramment quand je t'ai vue la première fois". Je lui ai dit: "ce n'est pas possible, j'ai commencé l'anglais en septembre, comme les autres au programme bilingue". Elle m'a dit "Non, non, je me souviens clairement que tu parlais déjà l'anglais au début de l'année".

Une énigme: c'est une énigme. Ça n'a aucun sens. Vicky doit se tromper.

Jeff: quand j'ai rencontré Jeff alias Stan dans "Anna R. Licht", j'etais encore bien timide, silencieuse et observatrice. Jovial extérieurement, disjoncté intérieurement, il avait besoin de se reposer et de parler de lui, dans sa langue maternelle si possible. Quand on dit que les langues étrangères ouvrent des débouchés, c'est vrai.

Conclusion: sur une échelle de un à dix, dans quelle mesure suis-je satisfaite de ma décision d'il y à trente ans de me fiancer avec le Guerrier Ottoman? Sur une échelle de un à dix? Trente.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008