vendredi 28 novembre 2008

Les langues (2)

L'allemand: c'était ma seconde langue étrangère à l'école. J'ai toujours aimé cette langue, construite, solide, logique. Mon père, qui de façon générale ne savait pas dans quelle classe j'étais, ni quel âge j'avais, ne m'aidait jamais bien entendu à préparer mes devoirs. Pourtant quand j'appris l'allemand il montra soudainement un intérêt certain et me fit réviser à longueur de journée. De toute façon c'était pratique. Il était malade à la maison pendant ces années-là et c'était une manière de nous tenir compagnie. C'est ainsi que je finis par parler couramment l'allemand, ce qui s'avéra utile plus tard quand je rencontrais mon oncle Srul en Israel qui parlait seulement le Yiddish, le Polonais et le Russe. Il me répondait en Yiddish. Quand Srul est décédé en 1992, j'ai cessé totalement de parler l'allemand et ne me suis jamais remise du départ de cette langue de ma vie.

l'espagnol:cette langue fut inexistante pour moi dans le passé. Je lisais les auteurs et poètes espagnols dans leur traduction française. Je lus dans ma jeunesse tout Garcia Lorca de cette façon, contente de mon sort, sans me poser de questions. Puis, beaucoup plus tard, vers la fin de ma quatrième décennie, une personne s'introduisit dans ma vie. Les bases de nos discussions internautiques étaient politiques et puis un jour, sans avertissement, pour se reposer d'une diatribe plus acerbe encore que d'habitude, nous nous miment à parler poésie et découvrîmes un amour partagé pour Federico Garcia Lorca. Je relus les vers du sombre poète que j'avais presque oubliés, mais cette fois-ci en espagnol. Dans cette langue, le sang coulait plus rouge, la mort s'étalait encore plus noire et la lune, ah la lune, nous observait bien plus verte encore.

le russe: cela fait plusieurs années déjà que je veux apprendre le russe, mais le temps me manque ou l'occasion. Un jour j'apprendrai le russe ... Pour l'instant je me contente de le déchiffrer derrière les épaules de passagers dans l'autobus, sur les panneaux de publicité. Comme une enfant rongée par le désir de tout connaître, je lis obsessivement les pancartes dans les rues, aptercaz, remont, knygie, kino, moda ... et dans ce monde graphique ou les "P" sont des "R", les "H" des "N", les "R" des "G", je suis dans mon élément, je suis chez moi.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

mardi 25 novembre 2008

Les langues (1)

Le français: je suis née avec ... papa, maman. Nous parlions français à la maison. Mes parents le parlaient mal, mais le parlaient quand-meme. Ma mère disait un zoiseau au lieu d'un oiseau. Elle avait du mal avec la voyelle "U", comme dans : "Nathalie va chercher de l'eau au pouits". Oui nous avions un pouits, c'était dou temps, qui l'ou crout, ou nous n'avions pas l'eau courante à Preuilly sur Cher. Quant à moi, mon histoire d'amour avec le français est une histoire terrible, parfois douce mais trop souvent sombre et violente. Mes poèmes et mon blog-roman dévoilent et expriment une partie de ce message.

L'anglais: Cette langue est entrée tôt dans ma vie, mais je ne sais pas trop quand. Officiellement je l'ai apprise à l'âge de 8 ans. Mais je renifle un mystère quelque part. Je n'ai pas d'accent. Je rêve et pense et jure et aime en anglais. C'est devenue ma langue dominante bien que je compte en français et communique aujourd'hui en anglais en juxtaposé avec l'hébreu et moindrement le français. Une grande partie de mon travail se fait en anglais que ce soit de la traduction, l'écriture d'articles ou celle de demandes de subventions pour l'association qui m'emploie.

Le Yiddish: il a toujours été là, derrière les portes fermées, au delà du pan des rideaux, dans les coins, sous les fenêtres. Mes parents se fâchaient en Yiddish, mais ils se taquinaient aussi dans cette langue et partaient dans de grands fou-rires. J'ai toujours compris le Yiddish, sans même m'en rendre compte et sans que mes parents en soient vraiment conscients. Ils se racontaient leurs petits secrets, à table, sous mon nez; je me gardais bien de leur dire la vérité. Je ne parlais pas le Yiddish à la maison, mais quand j'ai rencontré un cousin en Israel quand j'avais 11 ans, il m'a adressé la parole en Yiddish, je lui ai répondu et nous avons conversé. Cette langue qui fut pour moi secrète, ne l'est plus. Ma petite fille l'acquiert à présent à Jerusalem en tant que langue maternelle, à côté de l'hébreu. Je suis plutôt contente de ce retournement de situation. Parle-je à ma petite fille en Yiddish? Non, en hébreu. Je me fais appeler "savta".

Le polonais: mes parents ne parlaient pas le polonais à la maison. Pourtant quand j'ai voulu à l'âge de 40 ans apprendre cette langue pour mes recherches généalogiques qui me forçaient à lire des documents en polonais, j'ai découvert que les sons de cette langue m'étaient très familiers. Plus tard j'ai compris que durant la première année de ma vie, un de mes cousins qui venait d'arriver de la Pologne communiste, habitait chez moi et ne parlait au départ que le polonais avec mes parents.

L'hébreu: j'ai d'abord appris à lire l'hébreu vers l'âge de 5 ans, puis le français. J'ai toujours su lire l'hébreu et le baragouiner un peu, mais je ne l'ai appris vraiment qu'en 1977 à mon arrivée en Israel. Je parle cette langue depuis plus de 30 ans, je la parle avec mes enfants, au travail, à l'université, à la synagogue. C'est la langue de ma vie de mère, de femme juive, de citoyenne. Parle-je l'hébreu avec mon petit-fils? Non, l'anglais. Je me fais appeler "grandma".


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

vendredi 14 novembre 2008

Les saisons

L'automne: C'est la plus belle des saisons, celle de l'espoir, de l'attente et aussi d'un certain recueillement intérieur. Je fais le bilan. Le bilan de tout, de mon année, de ma vie, de ma santé. Mon anniversaire est à l'horizon ... Alors je prends dans mes bras ceux que j'aime et je me souviens : le temps passe et ne revient pas. C'est Barbara qui l'a chanté: "dis, au moins le sais-tu que tout le temps qui passe ne se rattrape guère, que tout le temps perdu ne se rattrape plus".

L'hiver: a Rehovot l'hiver est mouillé mais pas vraiment froid. Les flaques d'eau sont immenses sur le bord des trottoirs et mettent les piétons en perpétuel danger de devenir des serpillières trempées. La première voiture qui passe un peu vite et splash ... J'aimais mieux l'hiver à Châteauroux. Envelopper ses bottes de papier journal avant de sortir le matin pour aller à l'école. Puis s'aventurer sur le pont du chemin de fer, tout de givre et glace par -10 degrés.

Le printemps: je n'ai jamais compris pourquoi il fallait être gai le printemps venu. Moi au contraire, c'est une saison qui me déstabilise. C'est de la chance car en Israël, il n'y a guère de printemps. C'est mieux comme ça.

L'été: des souvenirs multiples qui se superposent les uns sur les autres. Maman et moi sur la plage dans les années 60 en Vendée. Maman et moi sur la plage dans les années 70 en Normandie. Papa, avec un machin sur la tête pour ne pas attraper de coups de soleil, qui marche près de l'eau en long et en large. Il s'ennuie, il préfère les rivières, à cause des poissons d'eau douce qui savent se taire.


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dimanche 2 novembre 2008

Les rêves

Mon premier rêve: je me réveille et descends de mon petit lit. Face à l'armoire à glace je contemple mon image: c'est celle d'un grand chef indien avec un faisceau de plumes sur la tête. Je suis saisie d'effroi. C'est moi, me dis-je.

Tomber: je cours sur des espaces sans fin. je finis toujours par arriver à la bordure d'un large précipice dans lequel je me laisse tomber. La chute est terrible et formidable, je m'en sors totalement indemne ... Puis je continue ma course effrénée.

Paris: je dois aller voir ma meilleure amie, mais je me perds dans les rues de Paris. J'erre comme ça en regardant les immeubles, les musées, les stations de métro ... J'erre sans fin, je n'arrive pas à destination.

L'enveloppe marron: mon fils, celui qui est nommé d'après le nom de mon père, me tend une grande enveloppe marron en me disant "il faut s'en occuper tout de suite, sinon ce sera trop tard." A mon réveil je tache d'élucider le rêve. Que faire? De quoi dois-je donc m'occuper? Quelques jours plus tard, gravement malade, je suis hospitalisée pour quelques jours.

Le bébé: je suis dans ma cuisine et j'ai le sentiment qu'on me cache quelque chose. Peu à peu les membres de ma famille avouent: j'avais un bébé et je ne l'ai plus. Mais j'ai oublié ... alors comme il ne veulent pas me faire de mal, ils font comme s'il ne s'était rien passé. Je suis très en colère que tout le monde m'aient menti. Au réveil je me mets à pleurer.

Mon père: je rêve de lui 27 ans après sa mort. Je suis tellement surprise de le revoir. Il vit seul dans un appartement et il a une femme de ménage qui lui prépare aussi ses repas. Il m'assure qu'il n'a besoin de rien. Au réveil il me manque, je suis triste de l'avoir senti si près, si vivant et de m'être reveillé. Je suis heureuse d'être encore capable de me souvenir de lui.

L'oiseau noir: je rêve d'un oiseau tout noir et luisant. Il est debout sur un poteau. Il a l'air d'attendre quelque chose. Sa silhouette tranche sur le paysage enneigé. « Il est tout seul » me dis-je, « va-t'il s'envoler? » Mais il ne s'envole pas et le temps s'arrête. Je suis sur la route vers le Mont-Dore. Cela je ne le rêve pas, je m'en souviens en me réveillant et je sais qu'il est trop tard.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008