mardi 27 mai 2008

Le 24 mai

Le 24 mai: c'est le jour de notre mariage. La hupa est dressée sur la pelouse de la salle à manger au kibboutz. C'était il y à trente ans.

Trente plus vingt-six: il avait un visage calme le Guerrier Ottoman, des yeux lumineux de clarté, une épaule à l'angle absolument parfait. C'était le jour ou le reste de sa vie commençait.

Trente plus vingt-deux: mes parents avaient tenu le coup jusqu'à mon mariage. Maman pleurait trop mais qu'importe, elle était là et je tenais sa main dans la mienne. C'est ma soeur Mali qui la remplaça à mes côtés sous la hupa. J'avais 21 ans, 6 mois et 3 jours. J'étais tombée amoureuse du Guerrier Ottoman quelques mois auparavant, le jour ou il m'avait accompagnée à l'aéroport.

J'étais partie: j'avais décidée impulsivement de ne pas retourner en France et de faire ma vie en Israel. Toutes mes affaires étaient restées à Paris. Le jour ou je reçu un avis me signalant qu'un colis de 20 kilos m'attendait à l'aéroport pour être dédouané, je me dis que je n'allai pas traîner 20 kilos toute seule. Sur ma gauche un type de l'oulpan était assis. Alors je me souvins de lui.

Les trois figues: deux mois plus tôt, tout l'oulpan avait fait une promenade au Park Canada et je m'étais blessée en entrant dans une grotte. Plus tard une main se tendit vers moi et dit "c'est pour toi, je les ai ouvertes". Je mangeais les trois figues goulûment. Je me retournai, il avait disparu. Je m'étais souvenue de lui. Je me tournai vers lui dans la salle a manger pour lui demander de m'accompagner le lendemain à la douane.

Résumé: trente ans de vie commune ça ne se résume pas. Les mots me trahiraient. Ils seraient grotesques et communs. Les mots gâcheraient toute la beauté de la lumière et toute la fraîcheur de l'ombre.

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

mercredi 21 mai 2008

Les films

Les films: j'ai regardé bout à bout "Lost in Translation" et "The Truman Show". Il ne manquait plus que "Billy Elliot" pour me faire fondre complètement. Ces films me touchent. Ils parlent d'une recherche identitaire constamment en péril, susceptible à tout moment de se désintégrer. Et pourtant le happy end attend les héros au tournant.

Lost in Translation: Les deux personnages principaux, Harry et Charlotte, ne se projettent pas l'un sur l'autre, c'est cela qui est étonnant dans cette histoire qui aurait pu sombrer dans la narration d'un adultère insipide entre deux personnes avec un manque à combler. Au contraire la réalisatrice a trouvé bien plus à faire partager aux héros: l'attachement, l'amitié, le respect, l'amour. Le mystère du dialogue, à la fin de "Lost in Translation" est fulgurant de génie.

The Truman Show: il y a dans ce film, un des moments cinématographiques le plus émouvant, lorsque le bateau de Truman perce le mur de l'énorme bulle / ventre ou il vit depuis 30 ans sans savoir qu'il est le héros d'un feuilleton télévisé. Ce moment est suivi par la confrontation corporelle de Truman avec cette paroi: il la touche d'abord puis il la frappe avec ses épaules, de tout son poids.

Billy Elliot: tout à la fin, le plan sur le dos de Billy adulte me coupe la respiration à chaque fois. L'adjectif "fulgurant", je l'ai déjà utilisé? Alors on va dire renversant. Au tout début je pleurais seulement à la fin du film, à ce moment la. Puis ça commençait des que le père et le frère de Billy débarquaient dans la capitale. Ensuite, quand Billy recevait sa réponse de l'académie de danse. Maintenant je prends mes mouchoirs et je me laisse aller carrément du début.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

mardi 6 mai 2008

Amour d'enfance

En seconde: j'étais très mauvaise en math et j'étais amoureuse. Un premier amour totalement éblouissant. Peut-etre que l'un expliquait l'autre.

La lecture: ce fut le grand amour de mon enfance. J'ai déjà parlé ici de mon premier livre, "oui oui aux pays des jouets" que ma grande soeur m'avait offert. A l'âge de 8 ans je lisais en secret sous ma couverture, comme toutes les mômes de mon âge. Ma lecture? Agent 007. Si je vous assure. Je les cachais sous mon lit et les dévorais avec engouement.

C'est curieux: je n'étais pas amoureuse de James Bond. C'est parce qu'à l'âge de 8 ans, j'avais déjà décidé qui était l'amour de ma vie. C'était un fait établi et ce n'était pas James au gadget électronique facile qui allait m'en éloigner.

Mon amour d'enfance: rien que d'y penser, j'en ai des frissons. C'est un grand secret. Même mes amies n'étaient pas au courant. L'amour de ma vie c'était ...

Michel Strogoff: aucun homme ne pouvait dépasser ce héros qui illuminait mon existence. Les traits slaves, les yeux bleus clairs, le cheveu blond, vibrant de force et vigueur sur son cheval à travers les steppes de la Siberie, il était l'emblème du courage, de la virilité et de la générosité.

Et aussi
: il avait pensé à sa mère au moment ou un sabre devait l'aveugler. Il avait pleuré et c'était les larmes qui avait sauvé ses yeux.

En fin de compte: je me suis mariée avec ce que j'ai trouvé de plus proche de Michel Strogoff. Il a vraiment la plupart de ses qualités, physiques et morales. Ce n'est pas donné à tout le monde d'épouser son amour d'enfance.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

dimanche 4 mai 2008

Le gibier


Mes amies: j'ai toujours eu des amies. Il semble que je sois d'un caractère sociable. Je me souviens de toutes mes meilleures amies.

Mes meilleures amies: d'abord il y a eu Françoise. Nous étions ensemble à la maternelle pendant 3 ans et aussi pendant le cours primaire et élémentaire.Nous jouions ensemble a l’école mais aussi à la maison. Elle était la seule enfant du quartier chez qui j'allais régulièrement et réciproquement.

la fin de Françoise: Elle était fille unique. Je l'ai perdue de vue quand je suis passée au programme bilingue. Je l'ai revue un jour, huit ans plus tard. Elle était très fine, très belle et je l'ai à peine reconnue à 15 ans. Elle m'a invitée à un week-end communautaire sponsorisé par sa paroisse. Je ne sais pas pourquoi, j'ai accepté. Nous avons passé une journée extraordinaire ensemble le week-end suivant. Nous nous étions retrouvées tout naturellement. Une semaine plus tard elle est morte dans un accident de moto.

Dans ma tête je me repasse un film à l'envers ou je lui dis:
- Non je suis désolée Françoise, je ne peux pas participer à une activité paroissiale. Tu sais bien que je suis juive. Mes parents seraient fous de rage ...
- Ah mais oui , ou avais-je la tête? Alors on se reverra une autre fois d'accord?
- D'accord Françoise , à bientôt.
- A bientôt Nathalie.

Une autre amie d'enfance: elle s'appelait Anne. Elle vivait dans une grande maison, juste en face de l'atelier (une fabrique à vrai dire que dans la famille on appelait "l'atelier"). Dans sa salle à manger s'étalaient des meubles massifs. Dans son salon trônaient des divans de taffetas et des buffets en marqueterie. L'or et l'argent, le cuivre, le bronze étaient partout. Le père d'Anne avait son propre bureau, une bibliothèque ou il se retirait pour fumer le cigare. La cuisine était très grande emménagée d'instruments rutilants et mystérieux. Une fois je vis la bonne sortir du congélateur une moitié d'animal.
- Du gibier, me dit-on.
- Du quoi?
- Ton père ne chasse pas? Me demanda Anne.

Un autre monde: Anne et moi ne vivions pas exactement dans le même monde. Chez moi on mangeait devant la télé, mon père avec les mains pour aller plus vite. Maman aurait tout donner pour vivre au même standing que les parents d'Anne, non pas qu'elle ait été attirée par le luxe et l'argent. Non, elle était attirée tout simplement par la beauté.

La différence: ce qui me fascinait énormément chez mes petites amies, c'était le fait que parfois, un monsieur ou une dame venait les chercher à la fin de la journée, à la maternelle. Françoise et Anne couraient vers cette personne et l'embrassaient. Elles étaient toute contentes. Elles s'en allaient avec la main de cette personne dans leur main. Au début, quand Françoise m'a dit "pépé vient me chercher", je n'ai rien pensé. C'était un peu comme le gibier dans le congélateur. Quelque chose n'était pas net. Je savais bien que je devais avoir l'équivalent, quelque part, dans mon monde. Mais ?


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008