mercredi 5 août 2009

Respiration : mode d'emploi

Quand j'étais petite, je fus très tôt initiée à la science des bronches. J'eus sans doute ma première bronchite avant de pouvoir m'exprimer et la personne intelligente aura compris qu'avoir une bronchite, c'était ma façon de m'exprimer.

Voilà , voilà .... Les années passèrent. J'étais en 8eme dans la classe de Madame Fournier, au lycée Jean-Giraudoux. De Madame Fournier je n'ai que de bons souvenirs, ce qui en soi constitue une anomalie puisque j'ai toujours détesté mes institutrices. Je fus finalement libérée de ce fléau (les institutrices) quand je commençai à avoir des professeurs du sexe masculin et pus miraculeusement mieux respirer.

Où en étais-je? Donc en 8eme, étant très bonne élève, je fus désignée par Madame Fournier et ses supérieurs pour sauter la 7eme et atterrir directement en 6eme à la rentrée prochaine. Maman était bien contente que sa petite fille soit reconnue pour ce qu'elle était : un génie. Moi je m'en fichais. Très peu de choses m'intéressaient à cette époque. Je n'avais pas beaucoup d'amies. J'avais été transférée de la 9eme bilingue du lycée de jeunes filles à la 8eme bilingue au lycée de garçons. Mais j'étais la seule. Tous les autres enfants avaient été repartis dans d'autres écoles. Je m'ennuyais terriblement. Nous étions en 1963. J'avais les cheveux super-frisés et les gens dans la rue pensaient que j'étais arabe. Cela me plaisait assez.

En fin de compte, était-ce pour conjurer mon ennui épouvantable? J'attrapai une coqueluche et fus éloignée des bancs de l'école pour un bon moment. Cette coqueluche fut une des plus belles choses qui me soit jamais arrivée. Maman prit des congés de son travail à la fabrique et s'occupa de moi. Je regrettai plus tard de ne pas avoir réussi à faire durer la coqueluche plus de 2-3 mois. Je passai des moments sublimes, plongée dans l'extase, auprès d'une mère patiente, attentive et aimante.

Cet évènement respiratoire dernière moi, il me fallut faire face à l'évidence que je ne sautais plus la 7eme , ayant pratiquement sauté la 8eme. J'étais une nouvelle fois transférée, cette fois-ci à l'annexe internationale de Saint-Maur. Suivirent deux ans à l'annexe où je continuais à m'ennuyer et à récolter tous les premiers prix. J'ai le très net souvenir du jour de la distribution des prix, du visage de ma mère rayonnant de fierté et d'un sentiment profond chez moi de vide, d'absurdité.

Envahie par un manque de vivre et une tristesse permanente, je me plongeais dans la lecture de Jules Verne. Michel Strogoff fut une révélation dans la mesure où j'en tombais amoureuse de façon irréversible. Quand Strogoff n'était pas là et que j'en avais vraiment marre, je faisais une bronchite, la seule façon d'attirer l'attention de ma mère et la monopoliser pour quelques heures.

En 1978, l'année de mon mariage, j'ai laissé les bronchites chroniques dernière moi. Elles ne sont plus revenues - on tentera d'oublier une pneumonie en fin de grossesse qui ne m'a pas fait que du bien.

Tout cela pour vous dire que j'ai une bronchite; je pense à ma mère qui savait servir le thé au citron, mettre des cataplasmes à la moutarde, prendre la température, me donner le bouillon à la cuillère. Ah c'était le bon temps tout cà où nous jouions nos roles à la perfection.

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2009