jeudi 30 octobre 2008

Les vacances

Les Sables d'Olonne: j'ai trois ans. Je ne me souviens de rien, mais sur la photo en maillot de bain près de ma mère et ma soeur, je suis terriblement maigrichonne. Mes cheveux sont tellement bruns et frisées, ma peau mate, mes yeux noirs, apparemment je viens d'orient, au contraire de ce que pense Monsieur Shlomo Sand : il affirme que le peuple juif n'existe pas. C'est une invention et les Palestiniens seraient les véritables descendants des tribus d'Israel. A voir ...

Le Cap Ferré: deux souvenirs; d'abord celui marquant d'avoir appris à nager dans les vagues du Cap Ferré. Le deuxième c'est un jeu qu'à 6 ans nous jouions. Nous découpions à la petite cuillère une petite pyramide de sable. Si elle s'effondrait le perdant devait manger du sable. Aussi je me souviens clairement d'une conversation avec mes amis sur la plage ou nous disions qu'à l'âge de 60 ans il fallait mieux mourir que vieillir. Je ne sais pas ce qui est le plus bizarre, le sujet de cet échange entre des mômes de 6 ans, ou le fait que je m'en souvienne encore.

Le Mont-Dore: cela m'a mis longtemps pour aimer le ski. Je n'aimais pas les leçons, l'équipement lourd et embarrassant, les odeurs, surtout celle du gaz carbonique qui s'échappait des autocars. Ma mère attendait de moi que je sois une sportive, mais il y avait trop de remue-menage et de bruit pour moi sur les pistes. Le 25 décembre 1965, j'avais 9 ans et nous étions à l'hôtel au Mont-Dore. Un des clients qui était médecin se précipita vers la porte de sortie suite à un coup de fil. Le téléphérique s'était ouvert en deux sur le Puy de Sancy. Il régnait dans l'hôtel une torpeur mêlée d'agitation que j'ai retrouvée plus tard en Israel après les attentats terroristes.

Cannes: mes parents n'allaient jamais dans le midi. Nous étions de la Vendée et de la Normandie. En ce temps la Bretagne n'était pas encore bon ton. En 1973 je suis descendue dans le midi pour quinze jours avec mon amie Laure. C'était la première fois que je voyais des maisons aux murs colorés. Je les photographiais avec engouement. C'était la première fois que je voyais des boutiques ou l'on faisait des pâtes fraîches. Un soir , nous sommes allés au restaurant et j'ai mangé, oui, pour la première fois, des lazagnes. Et puis j'ai vu un monsieur tout seul, attablé dans un coin avec une orange sur son assiette. Il tenait dans ses mains une fourchette et un couteau et épluchait ainsi l'orange. J'étais sous le charme de tant de bonnes manières. Vraiment ensorcelée. La Croisette , pendant ce temps se preparait pour les stars du monde entier.

L'île de Ré: comme une petite boite aux merveilles, l'île m'a comblée de mille moments magiques. Les caresses du vent au milieu de l'hiver m'ont un peu déboussolée. J'aimais m'asseoir sur un banc près du port de Saint Martin en Ré et soulever ma main devant mes yeux pour contrer l'éblouissement du soleil. Le soleil d'hiver, sournois, beaucoup plus fort que l'on pourrait le croire. Sur l'île de Ré j'ai respiré tellement profondément, j'ai désempli mes deux poumons jusqu'au fond, jusqu'au silence, l'absence de vie, pour les remplir d'une substance absolument vitale, la joie de vivre. Quand j'ai quitté l'île de Ré, j'ai tourné le dos à une partie de moi et je me suis tournée vers ce que je venais juste de découvrir, une vérité toute béante, toute jeune encore: j'etais aimée.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

samedi 4 octobre 2008

Les villes

Châteauroux d'abord: au premier abord, à tribord, par dessus bord, de tous les bords, je t'abhorre, non ce n'est pas vrai , je t'adore. Tu m'as tout donné de mon enfance et mon adolescence. Tu m'as tout livré des sursauts et des folies de la vie, toi qui n'est pas une ville de lumière, pas une capitale, même pas belle disait Jean Giraudoux cet ingrat, mais tu es la ville ou je suis née et tu m'as crée bien de la joie et les larmes n'étaient pas si acides que cela. C'était de belles larmes pour une belle vie. Tu me pardonneras de t'avoir quittée pour me bâtir ailleurs.

Paris: tu es ma banlieue, tu es mon jardin, ma randonnée. Tu es toujours disponible, toujours ouverte et accueillante. Tu m'aimes depuis toujours, c'est un point entendu entre nous-deux. J'aime descendre du train à la gare d'Austerlitz ou mon beau-frere vient m'attendre. J'ai dix ans et je voyage seule. J'aime le parc de Vincennes et les tigres du zoo de Vincennes. Plus tard je déambulerai heureuse sur les boulevards entre Bonne Nouvelle et Opéra, perdue sur un nuage adolescent, complètement ivre du temps qui me bouscule. Puis une pause rue Galande, noire, bleue et orange, une pause indélébile, une marque dans les yeux.

Bourges: le car nous bringuebalait vers la grand ville. Oui Bourges c'était la capitale, Paris la préfecture, vous avez tout compris. Dans le car il faisait chaud car c'était toujours le mois d'août. Sur la route, à gauche, il y avait deux maisons avec un toit de chaume. Bourges est tombée dans mon oubli, belle avec sa cathédrale et son palais Jacques-Coeur. Seul le nom d'Alain Meilland reveille le souvenir d'une voix douce et un regard sombre.

Vierzon: il n'y a pas mille versions de Vierzon. Il n'y en a pas cent, ni dix, ni trois. Il y a une seule version de Vierzon, là ou ma vie se casse en deux. Comme un sucre d'orge, comme un roseau, elle se casse, elle s'en va. J'ai presque tout perdu pour un passage dans une ville camion, une ville sans fond, une ville sans pardon. J'ai voulu la traverser et j'y ai laissé ma peau, mes os. De toutes les villes, toi qui m'a laissée pour morte, toi mauvaise mère, traîtresse, c'est toi qui me fait encore rêver.

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008