jeudi 25 juin 2009

Retour

Je suis de retour chez moi depuis lundi. Durant mon séjour en France les expériences se sont succédées, certaines douces et familières, d'autres plus intenses et parfois déroutantes.

J'ai retrouvé des membres de ma famille ainsi que des amis que je n'avais pas vu depuis presque 3 ans. Ces retrouvailles, bien que tout à fait réjouissantes, m'ont fait comprendre que mon éloignement avait créé des fossés. Un de mes proches m'a dit à ce sujet que nous évoluons et nous construisons au fur et à mesure du temps, comme les couches successives d'un oignon, ce qui fait que si l'on s'éloigne de quelqu'un, il risque de devenir un étranger, car il a changé dans le milieu qui l'entourait pendant que nous étions ailleurs à bâtir notre propre vie. Il semblerait donc que le temps sépare ceux qui s'aiment (tout doucement sans faire de bruit).

Je me demande à cet égard si mes contacts avec certains sur les réseaux sociaux, Facebook en particulier, atténuent la distance. Je pense que oui. Ces quelques mots jetés ici et là le long de la vie quotidienne, parlant du temps, d'un mal à la tête, d'une bonne ou mauvaise surprise, d'un quizz légèrement débile, d'une nouvelle idée, et surtout les photos qui échelonnent les récits de vacances, de fêtes, de sorties, tout cela aide à maintenir le contact. C'est un peu comme saisir la main d'une amie de temps en temps quand elle est triste et quand elle est gaie. On peut trouver dans Facebook des usages plus pratiques, promouvoir ses idées, une association ou même une entreprise.

A Paris j'ai été mise face à face physiquement avec l'absence de ma sœur. Alors que les autres sur place ressentaient ce vide depuis presque 3 ans, moi je l'apprivoisais pour la première fois. Quand j'avais 13 ans Polnareff avait écrit une chanson sur la maison vide.

Moi dans la maison vide, dans la chambre vide, je passe ma vie à écouter
Cette symphonie qui était si belle et qui me rappelle un amour fini.
Dans la maison vide


Les adolescents, ou à défaut Lamartine, savent saisir le vide de l'espace et cette chanson déjà me questionnait en 1969. Et pourquoi à cet âge me semblait-il déjà comprendre ce qu'était un amour fini? Ma mère avait perdu 10 frères et sœurs. Elle avait quitté sa famille à l'age de 19 ans en partance vers Varsovie, puis Paris. C'était en 1933 au milieu de l'hiver polonais.

A Issoudun, j'ai touché du plat de la main des inscriptions hébraïques datant du 13e siècle. La paroi de la Tour Blanche était douce et humide. Les prisonniers juifs autrefois capturés pour obtenir de grasses rançons laissaient ainsi leur trace. La tête toute chavirée dans les entrelacements du passé, je montais les escaliers - en haut s'étalait devant moi cette petite ville du Berry, si anodine, qui avait pourtant été une ville royale. En 1941 ma mère et son frère Aron y avait été arrêtés. Il fut envoyé au Vernet, transita par Drancy puis déporté à Auschwitz.

Après la guerre, personne ne fit de place pour l'absence des dix frères et sœurs de ma mère. Il fallut qu'elle fasse avec. Un cœur peut-il être dix fois plus lourd? Une maison peut-elle être dix fois plus vide? Paris dix fois plus dépeuplée?

Mon enfance était une citadelle vide où tous les absents avaient leur place. Avec des lames, des couteaux, des ciseaux, ils traçaient leur nom sur l'intérieur de mon âme, jour après jour, pour perpétuer la mémoire de leur existence et de leur nom.



Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2009

dimanche 7 juin 2009

Le retour

C'est bien étonnant. Comment ai-je pu négliger si ostensiblement mon blog? Est-ce que tout peut s'expliquer?

J'accuse: les social networks et comment dit-on cela en Français nom d'une bique? Les réseaux sociaux? Hum ...

Dans quelques jours je serai dans mon pays natal. Cela fera 2 ans et demi presque jour pour jour où je n'y aurai pas mis les pieds.

J'exagère quand même. Moi qui aime si bien la France, malgré ses trahisons, ses grimaces, je la délaisse, l'oublie presque.

Je l'aime encore et toujours, pleine d'allure, énergique, sublime. Ah ... là je crois que je parle de ma mère, mais justement ...

J'irai aussi dans cette ville maussade et exilée qui brûle pourtant dans mes entrailles comme une lanterne éternelle. Châteauroux. La ville s'efface, il ne reste que les gens aimés et les souvenirs.

Les souvenirs : de Chateauroux je n'ai pas que des bons souvenirs, mais je fais comme ma mère qui parlait de son petit village de Pologne, comme d'un royaume dont elle demeurait la princesse immortelle.

Voilà, c'est ca : à Châteauroux je suis immortelle. J'ai 3 ans dans les bras de ma nourrice et de ma mère. Je reste ainsi bercée alternativement, de l'une à l'autre je passe, confiante. Je suis aimée. Je ferme les yeux.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2009