lundi 14 décembre 2009

L'école - La 7eme (1966-1967)

Photo Gérard Mery

Mon passage au lycée Jean Giraudoux fut de courte durée. En effet, je n'avais pas encore visité tous les établissements scolaires indriens. Après les Capucins, le lycée de jeunes filles et le lycée de garçons, il était temps, du haut de mes 10 ans, de découvrir l'annexe internationale de Saint-maur.

Cette année-là, menée sous la baguette de l'autoritaire Me Hagege, fut un peu morose, malgré un grand succès scolaire. J'étais première dans toutes les matières. Je ne possède pratiquement rien des objets de la maison à Châteauroux, mais j'ai récupéré deux livres reçus lors de la distribution des prix de cette année de 7e. L'un est le livre des « Mille et une nuits » l'autre le récit de la guerre de Troie.

L'annexe internationale de St Maur était située à la campagne dans un château entouré d'un grand parc. Pendant les recréations c'était la liberté totale, nous étions très peu surveillés et courions bien loin pour nous réfugier dans les buissons ou sur les arbres.

J'allais à la cantine pour la première fois de ma vie et ne comprenais pas pourquoi mes petites amies faisaient la fine bouche devant les menus proposés. Moi, tant que cela se mangeait, je trouvais cela excellent. La nourriture était pour moi « bonne » par définition et il aurait été sacrilège de la critiquer.

Je courais vite et jouais plus souvent avec les garçons qu'avec les filles. L'un d'eux qui avait redoublé et dépassait tout le monde d'une bonne tête , s'était pris d'intérêt pour ma garde-robe, en particulier celle qui comprenait des fermetures éclair. Je m'aperçus bien vite que je ne courais pas aussi vite que cela ... Je rentrais chez moi écorchée des genoux et des poings après de méchantes bagarres avec cette petite brute de 12 ans. Comme il était grand physiquement les autres enfants le laissaient faire mais applaudissaient à tout rompre quand mon adversaire se prenait une baffe, une volée de gravier dans l'œil ou un coup sur la tête.

A la cantine cette énergumène feignait quotidiennement de vomir dans mon assiette, catapultait des petits poix dans ma figure et tentait plus tard de récupérer la nourriture que j'abandonnerais derrière moi. Malheureusement pour lui, j'étais capable de manger mon steak même s'il avait craché dessus. Je laissais tous les jours une assiette vide et propre, comme si personne n'avait jamais mangé dedans.

Dans le car qui nous emmenait de Châteauroux à St Maur, il tirait sur le col de ma veste, me faisait des croches-pied. Bref, nous faisions un beau couple, moi la surdouée de la classe, lui le cancre. Je n'avais pas d'amis, ayant une nouvelle fois déménagé de mon école précédente sans mes petits camarades. Lui non plus. Il ne me parla jamais, se contentant d'exprimer son intérêt en me harcelant quotidiennement.

A cette époque, je pensais qu'être une fille ou un garçon n'avait aucune importance, que cela ne voulait rien dire. J'avais les cheveux courts, j'étais timide et les petites filles de la classe ricanaient derrière mon dos. J'avais quelque chose de diffèrent, mais je ne savais pas quoi. Je voyais bien que je n'avais pas leur jargon et qu'elles parlaient de choses qui ne m'intéressaient pas.

Rentrée à la maison je contemplais avec exaltation mes égratignures. Je racontais des bobards à la bonne, lui disant que je tombais souvent dans le parc du château, ce qui somme toute n'était pas faux. J'aimais me battre avec mon ennemi et rien ne me faisait plus plaisir que de sentir son sang couler entre mes doigts. J'ai oublié son nom. Peut-être s'appelait-il Gilles et dans ce cas j'étais sa Jeanne.

Ce fut une année toute bête et sans intérêt. Mon désir de brutalité envers ce garçon me semblait naturel. Je terminai l'année galvanisée, non pas par ma réussite scolaire et les premiers prix que j'accumulais dans toutes les matières, mais par le sentiment d'être forte physiquement alors que ma mère m'avait toujours considérée comme une maigrichonne en mauvaise santé (il est vrai que l'année d'avant j'avais fait une terrible coqueluche). L'année scolaire se termina ainsi en juin 1967 et une nouvelle époque commençait.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2009

L'école - La 8eme (1965-1966)

J'ai déjà parlé de ma classe de huitième dans ce billet.