dimanche 26 juillet 2009

Le gardien, la secrétaire et le ventilateur

Souvent je travaille assise sur mon lit, le dos calé contre un oreiller judicieusement placé à la verticale. J'étends mes jambes vers l'avant comme si j'étais sur la plage et je me plonge dans mes papiers.

L'avantage de rester au lit c'est que l'on garde l'apparence d'une journée pas encore commencée. Cela revient en quelque sorte à mystifier la fatigue. Ne se croyant pas encore levé, mon corps reste calme et reposé.

Le laptop sur mes jambes, donc, je poursuis mes travaux de traduction ou de corrections. Le ventilateur bien en face diffuse l'air nécessaire pour respirer convenablement en cette fin de juillet. A ma droite, une tasse de café et un petit-déjeuner qui de page en page se laisse manger.

Mon petit-dejéuner consiste en un yaourt avec de la farine d'avoine. Des vitamines aussi, des D et des B et l'oméga 3 sans compter un comprimé contre les maux d'estomac et les antibiotiques contre une saleté que je me suis chopée on ne sait où le jour de mon départ de la France vers Israel.

Tout cela pour vous dire que je ne suis jamais seule, assise parmi mes feuilles et cahiers. Mon gardien et ma secrétaire ne sont jamais bien loin. Mon gardien a 15 ans passés. Il s'étale sur le côté gauche du lit. Je l'entends ronronner. Ma secrétaire n'a que 4 ans, cette jeunette. Elle se place toujours à l'opposé du gardien. Vivace, agile, un mot la fait sursauter.

Ainsi, à toute heure du jour ou de la nuit, dès qu'ils me voient assise sur le lit, mes deux chats se bousculent pour me tenir compagnie. Toute imprégnée de leurs ondes alpha, cela me rassure de les savoir là, fidèles, attentifs à ma respiration, à mes moindres mouvements, à ma présence.



Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2009

vendredi 3 juillet 2009

Mon père 24 + 28

Ce soir :cela fera 28 ans que mon père est décédé.

Conclusion: je l'aurai connu 24 ans en vie et 28 ans en mort. Si l'on soustrait les quatre premières années de ma vie ou je ne me souviens pas de lui ni de personne d'autre d'ailleurs à part ma nourrice, je l'aurai connu à peu près 20 ans.

Si quelqu'un m'avait avertie, je pense que j'aurais fait un effort pour le connaitre un peu mieux durant mon enfance et mon adolescence. Si quelqu'un l'avait averti, peut-être aurait-il fait un effort pour me connaitre un peu mieux durant mon enfance et mon adolescence. Ou peut-être pas.

Je crois qu'aujourd'hui, si un homme ne sait pas l'age de son enfant ni dans quelle classe il étudie, il est mal parti, en cas de divorce, pour que le tribunal lui octroie la garde de son enfant. Pourtant mon père qui était incapable de donner mon age ni évidemment ma classe et peut-être même pas le nom de mon école était un bon père. Le fait qu'il ne savait rien sur moi ne voulait pas dire qu'il ne m'aimait pas.

Mon père qui me définissait si peu, a su définir pour moi la planète en son entier. Même aujourd'hui, ma vision du monde se fait à travers le prisme que mon père a dressé pour moi.

Longtemps j'ai eu peur de l'oublier mais j'ai compris récemment que ce dont j'avais peur c'était d'oublier ce qu'il voyait quand il me regardait. Il y avait dans ce regard, pas seulement un amour inconditionnel mais aussi quelque chose de tranquille qui me rassurait, me donnait confiance et confirmait la légitimité de mon existence. J'avais peur de devenir absente.

Encore maintenant, j'ai besoin de ce regard. Mais il n'est pas là. Il n'a pas de remplaçant et je me résigne à l'évidence qu' il n'en aura pas.



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