lundi 23 novembre 2009

L'école - la 9e(1964-1965)

En septembre 1964, suite à une décision maternelle on ne peut plus catégorique, je quittai l'école des Capucins pour me retrouver, assez bizarrement, au lycée de jeunes filles. Tout était différent, le lieu gigantesque, les élèves inconnues et puis il fallait que je m'adapte à une nouvelle routine; trois fois par semaine toute la classe montait dans un autocar et nous roulions vers la base de l'OTAN à Touvent. Là bas, des petits américains de notre âge nous attendaient souriant et épanouis.

A partir de 1951 un immense dépôt logistique américain avait été installé à Châteauroux. Il employait des milliers de travailleurs français et était responsable de l’entretien de tous les avions américains de tous types basés en Europe à cette époque. J'avais ainsi été transportée dans la plus grosse base logistique européenne de l'OTAN.

Mes amis et moi étions loin de comprendre que nous participions à un programme bilingue original qui permettait aux français de souche ( moi par exemple qui à l'époque ne possédait même pas la nationalité française ...) et aux américains en transit, de s'imbiber les uns les autres de leur langue et culture respectives.

Dans le cadre de ces échanges scolaires et culturels, on m'assigna une partenaire du nom de Vicky. Je m'entendais très bien avec elle et m'adaptai de façon remarquable à la structure scolaire américaine. La maitresse d'école, une ravissante jeune femme aux yeux bleus, ne cessait de sourire et s'adressait à ses élèves de façon douce et affable comme si elle était à leur service et non le contraire.

Il me fallut seulement quelques jours pour comprendre que les américains vivaient dans un autre monde où la spontanéité, la bonne humeur et le bonheur en général, avaient leur place. Nous préparions ensemble des petites scènettes où nous nous moquions de la publicité, de la mode et même, cela m'avait marquée, de l'usage abusif de médicaments. A l'école française, du moins à mon époque, on ne traitait pas de tels sujets et avec cet humour à l'âge de huit ans!

Il y a quelques années j'ai retrouvé Vicky sur l'Internet. Elle habite en Californie. Elle se souvenait bien de moi et elle me dit qu'à sa grande surprise, le jour où elle me rencontra je parlais déjà l'anglais. Je sais qu'elle se trompe, car c'est impossible, mais cette affirmation me trouble car effectivement je n'ai pas d'accent quand je parle l'anglais et c'est vrai que je n'ai pas non plus le souvenir d'en avoir fait l'acquisition. Bizarre.

Ce fut une belle année où je trouvai enfin une place, un lieu de vie, le rire. Face à la compétition américaine mes camarades de classe à l'école française n'offraient aucun intérêt sauf le fils du concierge du lycée. Il se sentait isolé, seul parmi toutes ces filles, alors je jouais avec lui à grimper aux arbres ou à construire des trucs avec du bois et autres matériaux . C'était des jeux dont j'avais l'habitude, passant beaucoup de temps à la campagne à gambader toute seule dans les champs ou à roder pendant des heures près de la rivière.

Dès le plus jeune âge, j'avais joui chez moi d'une liberté sans bornes, pratiquement sans supervision et c'est sans doute pour cela que l'école fut toujours pour moi un carcan. Mais la classe de l'OTAN ouvrit d'un seul coup de vent toutes les fenêtres et me montra que l'on pouvait apprendre et s'amuser tout à la fois.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2009