lundi 31 décembre 2007

Les amoureux de l'an 2077 - I

Petit conte futuresque
en deux volets


Paris, 31 Décembre 2076

Will et moi avions décidé de fêter le nouvel an dans un restaurant en haut de la rue des Pyrénées, à l'Olivier, et nous parlions de choses anodines, les émissions du Mur, les nouveaux sites, les petites corvées de la journée dont Will parlait avec intérêt malgré leur médiocrité. Nous avions selon notre rituel, commandé du poulet au citron, notre plat préféré. Le fait est que mon ami conversait de choses et d'autres avec politesse certes, mais moins de vie qu'à l'habitude. Il semblait troublé, un peu agité. Il repoussait périodiquement un insecte invisible sur sa joue gauche.

- Mais qu'est-ce qui vous prend de vous agiter comme ça, lui dis-je finalement ... Qu'est-ce qui ne va pas? Vous vous ennuyez ici, avec moi?
- Non, ça peut aller Maximillien, me dit-il sans me regarder. Vous ne vous inquiétez pas pour moi, d'accord?
- Je ne sais pas. Je crois que vous êtes fatigué. Vous avez entendu aux nouvelles, il y a une nouvelle vague d'ab...
- Je ne parle pas de cela, m'interrompit Will très sèchement. C'est hors sujet, vous le savez bien. Sa main m'avait touché furtivement, il semblait gêné d'avoir été brusque et de l'avoir regretté ensuite. On ne parle pas de cela , Maximillien, pas ici.
- Mais où? Où vous parler? Dans l'appartement c'est impossible, le Mur nous observe ...
- Tais-toi! Taisez-vous.

Il rapprocha son visage du mien, son front me touchait à peine. S'il l'avait pu il aurait été en colère.

- Maximillien, murmura -t'il, ses yeux bleus pales fixés tristement sur les miens, tu dois rentrer à la maison. Tu es malade. Tu comprends ... S'il te plaît tu comprends! Tu es malade, tu es désorienté. Appelle le Meda 36, fais ce que je te dis.
- Non, c'est toi qui dois m'obéir, lui dis-je calmement en m'étonnant moi-même de tant de fermeté. -Tu m’appartiens.
- Et vous, me dit-il en se levant soudain, vous n'appartenez à personne? Il me regardait et le point d'interrogation était dans son regard.
- Will , je suis un humain, je suis, enfin je crois. Je n'appartiens à personne, n'est ce pas?
-Je ne pourrais pas vous répondre, dit-il, un air accablé soudain sur ses traits lisses. C’en est trop vraiment, je ne peux plus rester avec vous; contactez l’agence pour me remplacer.
- Mais c'est interdit! Je ne peux pas rester seul Will , vous ne pouvez pas, c'est la règle. Il se dirigeait vers la sortie mu par sa décision, par les mots qui venaient de me frapper. Je ne sais pas rentrer à la maison, Will, je ne sais pas rentrer!

J'étais debout près de la porte vitrée, pétrifié par le spectacle de la rue au-delà.

- Prenez un Taxi B. S'il vous demande un décodage de non-accompagné, vous tapez mon numéro de mobilité et 78. Ils croiront que je suis en rectification. Vous aurez peut-être un avertissement. Ce n'est pas grave, un avertissement, Maximillien, ce n'est pas grave! Vous avez peur?
- Je ne veux pas être seul Will. Ce n'est pas la première fois que je perds mon compagnon. Enfin ... Évidemment vous n'êtes pas au courant ... Je crois que cette fois-ci ils vont faire une enquête plus approfondie.
- Ne vous inquiétez pas Maximillien, je vais peut-être être promu. Je vais vous aider. Maximillien, je vous ... j'ai aimé vous servir. J'étais bien chez vous. Je ne peux pas rester. Vous comprenez?

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

dimanche 23 décembre 2007

Le Père Noël ne viendra pas


Soyons clairs: Pour moi Noël n'a jamais inclus de sapin, boules chatoyantes et guirlandes. Pour moi Noël ne larguait pas sur mes genoux d'enfant des poupées aux longs cils ou des livres aux belles illustrations. Je n'ai jamais chanté de cantiques sur le petit Jésus.

Le Père Noël: le seul intérêt que j'ai jamais eu pour le Père Noël c'est de me demander si mon grand-père avait eu une barbe blanche. Je ne sais pas à quoi son visage ressemblait. Je n'ai jamais vu sa photographie. Quand je ferme les yeux je vois une poudre blanche s'étaler sur son visage, mais qu'il n'y ait pas de malentendu, ce ne sont pas des flocons de neige: c'est la couche de chaux étalée sur les cadavres morts du typhus ce jour-la dans le ghetto de Varsovie. Oui je sais, c'est hautement morbide et en plus une veille de fêtes, mais vous m'excuserez d'avoir de "mauvaises" pensées car il le faut. C'est comme ça,  le Père Noël m'a toujours fait rêver de mes grand-pères, des grand-pères que je n'ai jamais eu car pour moi il font partie d'un autre monde.

L'autre monde: qu'est-ce qu'un grand-père? Une grand-mère? C'est inutile. Je n'en ai pas la moindre idée. Même mes fantasmes les plus élaborés ne vont pas dans cet univers inconnu car inexistant. Mes amies ont des grand-pères. Ce sont de vieux monsieurs très charmants, très calmes, qui parlent du passé et du futur en caressant les cheveux de leurs petits-enfants.

Le vrai monde: maman et papa sont au travail à la fabrique, que nous appelons "l'atelier". Ils ne rentreront pas à la maison avant huit heures du soir. J'ai sept ans. Depuis cinq heures je traîne dans les jambes de ma mère, je m'amuse à courir dans les couloirs et les escaliers de la fabrique.

- Va donc à la maison, me dit ma mère.
- Je veux pas, dis-je, j'aime pas la nouvelle bonne.
- Elle est pourtant bien ... Euh comment elle s'appelle déjà?
- Micheline. J'aimais bien Paulette.
- Oui mais Paulette elle est partie sans avertir personne et encore heureux qu'elle a rien volé comme celle d'avant.
- Je sais maman, c'est moi qui ai trouvé la clé derrière les volets.
- Ces filles là, on ne peut jamais savoir ce qui va leur passer par la tête.
- Avec un mot "je vous quitte, Paulette".
- Il m'en a fallu du temps pour en retrouver une. Pour être pas facile c'était pas facile.
- Elle avait attaché la clé au mot. Comme ça j'ai pu rentrer dans la maison.
- De toute façon, avec les charges sociales et tout, ça me revient les yeux de la tête.
- A l'école je lui avais préparé un cadeau pour Noël. J'avais écrit son nom avec de la peinture dorée: "Paulette".
- On leur demande d'emmener un veston chez le teinturier, elles emmènent le pantalon, on ne peut jamais compter sur elles.
- Et moi qu'est ce que j'en fais de mon dessin pour Paulette? C'est Noël dans deux jours...
- Mais je ne sais pas ma chérie. Que veux-tu ... c'est comme çà. On ne sait jamais qui va vous tourner le dos. Alors, ou j'ai mis ce bordereau, je l'avais dans la main ... Monique vous avez vu le bordereau de la maison Fournier?
- Maman? Tu sais peut-être ou elle habite Paulette?
- Pour quoi faire?
- Pour lui envoyer par la poste, tu sais, le dessin.
- Mon trésor, j'ai du travail. Tu rentres à la maison parce que moi la bonne je la paie pour te garder, pas pour se tourner les pouces.
- Maman?
- Quoi encore?
- C'est pour toi.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'une pièce d'un franc?
- Mais c'est pour toi, pour que tu t'occupes de moi ...

Aujourd'hui: je suis grand-mère. Le jour ou j'ai tenu mes petits-enfants dans mes bras je leur ai tout naturellement parlé des mots d'amour comme si toute ma vie avait été une source qui s'était écoulée jusqu'à l'océan, sans rage, sans tumulte, sans cris. Une belle vie bien sereine.

Sérénité: avoir des racines qui s'élancent du passé au futur. Ne pas avoir à se protéger de l'absence des uns et de la présence des autres.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

jeudi 20 décembre 2007

L'epaule

Définition du Larousse: partie supérieure du bras à l'endroit ou il s'attache au tronc.

La case de départ
: quand j'étais petite je dormais contre l'épaule de mon père comme on dort sous un volcan.

Toi mon amour, mon ami: l'épaule de l'homme que j'aime est dure et ronde à la fois. Elle est large, permanente et presque inébranlable.

Henry Cutter : Henry aux épaules de géant, vers le début d'"Anna R. Licht" blesse Anna à l'epaule. Pendant toute l'histoire elle traîne sa douleur en bandoulière.

Mes jours : depuis quelques semaines, j'ai une inflammation à l'épaule droite, dans la gaine des tendons. Cela s'appelle une tenosynovite. L'orthopédiste a fini par m'administrer une piqûre, mais entre-temps, la douleur est revenue.

Tiens donc : je relis mon roman pour bien vérifier: Hé bien oui, Henry blesse Anna à l'épaule droite.

Mes nuits: je ne peux plus dormir sur mon épaule droite, comme j'en ai l'habitude. Je tourne dans mon lit comme une toupie. le matin je me retrouve sans draps de dessous, à peine couverte par mon édredon, l'épaule droite irradiée par la douleur - car j'ai fini par atterrir quand même sur le cote droit ... Pour toute consolation, le chat, perché sur mon épaule gauche, me regarde émerveillé par ma beauté, mon intelligence et le reste de mes qualités humaines tout à fait supérieures.

Il est 5 heures : le Guerrier Ottoman commence sa journée. Le chat le suit dans la cuisine en faisant un grabuge phénoménal.

Café noir sans sucre : avant de partir au travail, à 6h30 du matin, il m'apporte une tasse de café. Cela fait 30 ans comme ça, que ça dure. C'est un rituel parmi d'autres.

Silence ... on pense : assise contre le montant du lit, je garde les volets fermés. Je bois mon café et je réfléchis dans l'obscurité. Le chat est revenu et s'est allongé sur mes jambes. C'est le moment ou j'organise ma journée, fais le tri des priorités.

Les priorités : Travailler, étudier, marcher, parler avec mes filles au téléphone. Etre patiente et généreuse - si possible - avec les autres et avec moi-même.

Autre rituel : à 11.45 tous les jours, le Guerrier Ottoman m'appelle sur mon portable. Nous faisons le point du milieu de la journée.

L'accouchement : J'ai écrit une chanson pour le Prince Ottoman fils du Guerrier Ottoman. Il est en train de la mettre en musique. Lui et moi sommes comme deux voyageurs dans le temps, nous nous portons et nous consolons l'un l'autre des blessures de la vie. Ses épaules, larges comme des portails, ne sont pas passées au moment de sa naissance. Il est resté bloqué. Panique dans la salle d'accouchement. Il est né avec une hémorragie dans l'oeil, à cause de la pression sur la nuque, qui a été resorbée après quelques semaines.

La case d'arrivée : Je m'appuie brièvement contre l'épaule du Prince Ottoman, une épaule en béton, en marbre, indestructible. Mais un volcan chasse l'autre et je ne dors que d'un oeil.

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

lundi 17 décembre 2007

Le chemin

L'introduction : jeudi soir mon fils me dit: "toi et papa vous avez laissé nos personnalités se développer. Vous ne vous êtes pas imposés et vous nous avez aidés à tracer notre propre chemin d'après notre caractère".

L'endroit : nous sommes tous les deux assis sur un banc, sur une place de Tivon, une petite ville à coté de Haifa. Il est 19.00 heures, Il commence à faire froid. Mon fils, le Prince Ottoman, fils du Grand Guerrier Ottoman, fume des Camels à la chaîne.

Notre propre chemin : le problème avec le chemin, c'est ou il commence? Normalement nos parents, dans le rôle de guides et gardiens placent pour nous les premières dalles de ce chemin. Sinon, comment saurions-nous vers ou nous diriger, ou poser nos pieds?

La Shoah
: j'étais la prunelle des yeux de mes parents, leur joyau, leur trophée, leur emblème de vie - pourtant, niveau réalité, mes parents se souciaient peu de mes allées et venues. Tout m'était permis, ou plutôt rien ne m'était défendu. Dans ma confusion je m'étais moi-même assigné une règle de comportement et une seule interdiction, une de taille : ne jamais attrister mes parents. Ainsi je passais mon enfance et mon adolescence à observer leur visage. Leurs expressions faciales tenaient le double rôle de baromètre et de boussole et m'indiquaient seconde après seconde le chemin à suivre.

Au commencement : au commencement chaque ride autour des yeux de mon père, chaque pli des lèvres de ma mère, était un chemin. Puis, dans un arrachement long et très désagreable, j'ai fait ma vie.

Ma vie : je parle avec mon fils pendant trois heures et demi, chronomètre en main. Nous achetons des cigarettes, nous mangeons un gros falafel pour un euro et demi. Nous attendons quelqu'un, assis dans l'obscurité en face d'une pharmacie. Elle est en retard. Nous parlons de cinéma, notre sujet favori, notre langage commun, notre référence. La fumée de sa cigarette me réchauffe un peu. J'aurais du prendre un anorak et une écharpe.

Le chemin : caminante no hay camino, si no estelas en la mar. Il n'y a pas de chemin mais la trace de nos pas sur le sable. Antonio Muchado.

Cher Antonio : qui a placé le voyageur sur cette plage? Comment est-il arrivé là?


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

jeudi 13 décembre 2007

Dix minutes

Le sujet: j'ai 10 minutes pour écrire ma note.

Première constatation: c'est bien peu.

Première idée qui me passe par la tête: quand on a faim, on avale son repas en moins de 10 minutes.

Première divagation: mon père mangeait son steak de cette façon:

Un: il coupait le steak en deux.

Deux: il avalait la première moitié du steak.

Trois: et la deuxième moitié.

Deuxième divagation: j'ai toujours cru que mon père avait de très mauvaises manières a table. Quand il croyait que personne ne le voyait il mangeait avec les mains.

Une confession en passant: moi aussi, quand je suis seule je mange avec les mains.

Mon oncle: en 1960, mon oncle a été rapatrié de Sibérie ou il avait "tire" 15 ans de goulag. Sa femme et ses enfants avaient été assassinés en Pologne.

Le tableau de famille: mon père d'un coté de la table, mon oncle de l'autre. Au milieu 2 steaks. Chronométrage de l'opération: une minute.

Une minute: c'est une contraction ça , une minute. En fait c'est très long: c'est 60 secondes exactement.

La fin: quelque part, j'ai honte de n'avoir jamais eu faim.

En fait: Je mens - j'ai faim tout le temps.

Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

mercredi 12 décembre 2007

Clarifications

L'introduction: comme pour me faire signe qu'il était temps de me reposer, Blogspot m'a fait un croche-pied. Je pouvais me battre pour y retrouver mes capacités de publications. J'aurais pu, je n'ai pas voulu. Je suis décidément une bien mauvaise blogueuse : dès qu'il y a un pépin, je me barre, telle une prisonnière enfin délivrée de son château d'If virtuel. Blogspot m'a tant donné, pourrait-on dire et j'en ai tellement profité ... Et bien ça m'est égal. La fidélité virtuelle, ce n'est pas mon truc. Me voila donc sur Hautetfort. Bonjour.

La récapitulation: Après les blog-poésies, les blog-romans, dont un très largement inachevé, je me remets au blog-notes. Un blog-notes pour debloguer les petites choses de la vie. La vanité d'une petite voix blogueuse qui s'agite et qui raconte. Un instrument d'exblogations pour défricher l'inattendu dans les taches quotidiennes. Mes blogs sur Blogspot sont à présent privés et en voilà la raison :

La raison: j'ai fini par me rendre à l'idée qu'un livre non publié c'est comme un amour non déclaré: ça ne sert à rien sauf à avoir des regrets. J'ai donc l'intention de corriger mon blog-roman "Anna R. Licht" et de le proposer à des maisons de publications. Du coup, rétroactivement et à vrai dire, l'écriture de mon 2e blog-roman, "Fractures" se retrouve placée dans un contexte différent. J'ai décidé de m'arrêter, de prendre du recul, d'absorber l'impact qu'"Anna R.Licht" a eu sur moi. Il est vrai que je n'ai jamais eu l'intention d'écrire ce roman, c'est plutôt lui qui s'est emparé de moi et m'a forcée à l'écrire en l'espace de quelques mois.

Les regrets: dans la foulée j'ai décidé de fermer également mes blogs-poésie. "La hanche d'Antonio" surtout, me semble soudain trop personnelle pour être affichée sur le Net. Autant mes blog-romans contiennent des personnages (pas tous) qui sont le fruit de mon imagination, autant "la hanche d'Antonio", dans son lyrisme, n'en contient aucun. Cette évidence me saute à la figure un peu tardivement. Je remballe donc mes vers et mon blog avec.

La conclusion: la fin est un commencement.

Et aussi: pour le moment, mes anciens blogs, "Anna R. Licht" blog-roman, La hanche d'Antonio " blog-poesie, "Le sur-vivant" blog-poesie et "Fractures" blog-roman, sont accessibles par inscription uniquement. Si vous desirez y acceder envoyez-moi votre email a l'adresse : d_n_a@zahav.net.il


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008