dimanche 23 décembre 2007

Le Père Noël ne viendra pas


Soyons clairs: Pour moi Noël n'a jamais inclus de sapin, boules chatoyantes et guirlandes. Pour moi Noël ne larguait pas sur mes genoux d'enfant des poupées aux longs cils ou des livres aux belles illustrations. Je n'ai jamais chanté de cantiques sur le petit Jésus.

Le Père Noël: le seul intérêt que j'ai jamais eu pour le Père Noël c'est de me demander si mon grand-père avait eu une barbe blanche. Je ne sais pas à quoi son visage ressemblait. Je n'ai jamais vu sa photographie. Quand je ferme les yeux je vois une poudre blanche s'étaler sur son visage, mais qu'il n'y ait pas de malentendu, ce ne sont pas des flocons de neige: c'est la couche de chaux étalée sur les cadavres morts du typhus ce jour-la dans le ghetto de Varsovie. Oui je sais, c'est hautement morbide et en plus une veille de fêtes, mais vous m'excuserez d'avoir de "mauvaises" pensées car il le faut. C'est comme ça,  le Père Noël m'a toujours fait rêver de mes grand-pères, des grand-pères que je n'ai jamais eu car pour moi il font partie d'un autre monde.

L'autre monde: qu'est-ce qu'un grand-père? Une grand-mère? C'est inutile. Je n'en ai pas la moindre idée. Même mes fantasmes les plus élaborés ne vont pas dans cet univers inconnu car inexistant. Mes amies ont des grand-pères. Ce sont de vieux monsieurs très charmants, très calmes, qui parlent du passé et du futur en caressant les cheveux de leurs petits-enfants.

Le vrai monde: maman et papa sont au travail à la fabrique, que nous appelons "l'atelier". Ils ne rentreront pas à la maison avant huit heures du soir. J'ai sept ans. Depuis cinq heures je traîne dans les jambes de ma mère, je m'amuse à courir dans les couloirs et les escaliers de la fabrique.

- Va donc à la maison, me dit ma mère.
- Je veux pas, dis-je, j'aime pas la nouvelle bonne.
- Elle est pourtant bien ... Euh comment elle s'appelle déjà?
- Micheline. J'aimais bien Paulette.
- Oui mais Paulette elle est partie sans avertir personne et encore heureux qu'elle a rien volé comme celle d'avant.
- Je sais maman, c'est moi qui ai trouvé la clé derrière les volets.
- Ces filles là, on ne peut jamais savoir ce qui va leur passer par la tête.
- Avec un mot "je vous quitte, Paulette".
- Il m'en a fallu du temps pour en retrouver une. Pour être pas facile c'était pas facile.
- Elle avait attaché la clé au mot. Comme ça j'ai pu rentrer dans la maison.
- De toute façon, avec les charges sociales et tout, ça me revient les yeux de la tête.
- A l'école je lui avais préparé un cadeau pour Noël. J'avais écrit son nom avec de la peinture dorée: "Paulette".
- On leur demande d'emmener un veston chez le teinturier, elles emmènent le pantalon, on ne peut jamais compter sur elles.
- Et moi qu'est ce que j'en fais de mon dessin pour Paulette? C'est Noël dans deux jours...
- Mais je ne sais pas ma chérie. Que veux-tu ... c'est comme çà. On ne sait jamais qui va vous tourner le dos. Alors, ou j'ai mis ce bordereau, je l'avais dans la main ... Monique vous avez vu le bordereau de la maison Fournier?
- Maman? Tu sais peut-être ou elle habite Paulette?
- Pour quoi faire?
- Pour lui envoyer par la poste, tu sais, le dessin.
- Mon trésor, j'ai du travail. Tu rentres à la maison parce que moi la bonne je la paie pour te garder, pas pour se tourner les pouces.
- Maman?
- Quoi encore?
- C'est pour toi.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'une pièce d'un franc?
- Mais c'est pour toi, pour que tu t'occupes de moi ...

Aujourd'hui: je suis grand-mère. Le jour ou j'ai tenu mes petits-enfants dans mes bras je leur ai tout naturellement parlé des mots d'amour comme si toute ma vie avait été une source qui s'était écoulée jusqu'à l'océan, sans rage, sans tumulte, sans cris. Une belle vie bien sereine.

Sérénité: avoir des racines qui s'élancent du passé au futur. Ne pas avoir à se protéger de l'absence des uns et de la présence des autres.


Copyright & copy - Nathalie R. Klein © 2008

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'aime ta définition de la sérénité. Bérangère